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9 décembre 2008 2 09 /12 /décembre /2008 17:07
 

Monsieur lion, à une époque de la maturation de ses lionceaux, pose un geste déterminant pour la survie de ses petits : un coup de patte. Celui qui écarte de mère lionne petit mâle et petite femelle. Simplement parce que la nature lui indique que c'est le moment.


Tout enfant a un lien profond avec sa mère. En grandissant il reconnaît chez son père un rival, parce que ce dernier se fait obstacle à son désir. Puis, par le jeu de l'identification, l'enfant oriente son propre désir vers l'un des deux parents, copiant ainsi un modèle. René Girard a élaboré sa théorie du désir mimétique, comme étant l'imitation du désir des personnes perçues comme des modèles (1).

Quelle que soit l'orientation du désir, le père a un rôle déterminant pour la psyché de l'enfant : il est le séparateur. Il libère ainsi l'enfant, fille ou garçon, des imperfections des parents, lui proposant, comme la mère quelques années plus tôt, une vie individuelle avec des victoires personnelles potentiellement offertes. Cette séparation, entraîne frustration et colère chez l'enfant, puis finalement acceptation. C'est alors que s'évanouissent bien des guerres intérieures.


C'est dans cet espace, celui de la colère qui engendre les guerres, que Valentino Rossi communique, en réveillant la source des peurs et des angoisses chez tout un chacun. Je vais développer la dialectique de Rossi, afin de mieux éclairer les enjeux en question. J'expose mon propos en langage de l'inconscient, et développe ce que les anciens connaissaient à leur manière et que la science, notamment la physique quantique, redécouvre aujourd'hui : l'intrication des inconscients sans limitation spatiale ni temporelle (2).


Dans un précédent article (3), j'ai présenté la communication de Valentino Rossi auréolée de l'usage d'images et de symboles que l'on intègre inconsciemment comme relevant du divin. Il s'installe alors comme le modèle indépassable. Modèle qu'il a progressivement mis en place tout au long de sa carrière.

Pourquoi une telle communication ? Parce que comme je l'ai écrit, le divin c'est l'indépassable, le modèle suprême. Et pour l'inconscient de l'enfant, c'est l'impression et l'emprise du monde des adultes sur lui-même.

Pour les acteurs de MotoGP, nous avons vu que, à l'époque de l'enfance, et donc de l'œdipe, où le désir de l'enfant est tourné vers la mère à l'imitation du désir du père, se produit, symboliquement et inconsciemment, un combat contre le père/rival qui est à vaincre afin de pouvoir épouser la mère.


Graziano Rossi, le père de Valentino, a très certainement compris qu'il pouvait être le modèle-obstacle pour son fils. D'autant plus que ce dernier imitait le désir paternel d'être champion de motocyclisme. Pour un fils, s'adjoindre les services d'un père-conseil propre à transformer le désir originel et son obstacle, en ressort de la performance est à la portée de tous ceux qui sont aptes à percevoir ce message paternel. Transformer ce désir en limitation pour les adversaires de Valentino relève, à mon avis, d'un désir de pouvoir ou d'un désir de transmettre un message à un monde en totale compétition.


Sportivement votre...
 

En 2006, Dani Pédrosa champion des ''petits frères'' de la catégorie 250, monte chez les ''grands'' de la MotoGP. A-t-il réactualisé le passé glorieux de son coéquipier, l'américain Nicky Hayden, second de trois frères pilotes ? Pédrosa a t-il détourné le message de Rossi au profit éphémère de ce même Hayden ? Celui-ci en effet a consacré l'année par son titre de champion du monde 2006.

Mais en 2007, l'aura de Rossi était déjà ternie. Son concurrent Casey Stoner avait reçu de forts messages dans son inconscient, et avait pris simplement exemple sur le désir du champion 2006, Hayden, lui permettant de s'adjuger le titre de champion 2007.

Du côté de Rossi, l'année 2008 est mise à profit pour cibler plus particulièrement la communication sur Stoner. Par sa dialectique symbolique, notamment en portant des insignes aborigènes, Rossi porte symboliquement la terre de l'australien Stoner champion 2007, et il devient ainsi propriétaire de la mère de Stoner. Celui-ci donc, s'il veut conquérir le titre 2008, va devoir contester ce titre à Rossi qui incarne aussi le père. A ce moment là, Stoner va se retrouver dans l'époque de son enfance, quand son propre père lui interdisait l'accès à sa mère.

Et ainsi à chaque fois que Stoner, champion 2007, affronte Rossi, l'angoisse de castration se réveille en lui, ranimant la colère de l'enfant frustré de sa mère. L'équilibre psychique de Casey Stoner est donc mis à mal. Il souffre parce que se réaliser dans son sport en luttant contre Rossi, c'est aussi désirer maman. Cette position désavantageuse se nomme une double-contrainte (4).


Une "double contrainte" est un type spécial de conflit qui engendre une situation "non-gagnante"; c'est-à-dire une situation dans laquelle "vous êtes damné si vous le faites, et vous êtes damné si vous ne le faites pas". Selon l'anthropologue Gregory Bateson, qui, le premier a défini la notion de double contrainte, ces conflits sont à l'origine à la fois de créativité et de psychose. Ce qui fait la différence, c'est d'être capable ou non d'identifier et de dépasser la contrainte de manière appropriée.

La structure essentielle de la double contrainte est la suivante : Si tu ne fais pas A, tu ne (survivras pas, ne seras pas en sécurité, n'auras pas de plaisir, etc.) Mais si tu fais A, tu ne (survivras pas, ne seras pas en sécurité, n'auras pas de plaisir, etc.)

Par exemple : L'enfant de parents qui se séparent. Comme tous les enfants, il a un lien affectif et existentiel avec chacun des deux parents. La double-contrainte se produit lorsque les parents exigent de l'enfant un lien exclusif, demande que ce dernier ne peut satisfaire sans entrer en contradiction avec sa volonté de maintenir un lien affectif avec les deux.


Rossi la renforce et la met à son profit. Dans le cas ci-dessus, Rossi se réalise, dépasse sa limitation et cela signifie, pour ses concurrents accès à la souffrance, à l'angoissante douleur... Rossi y verrait-il une certaine réalité et interdirait-il alors une possible résilience ? Ici la solution à cette douleur serait donc d'offrir le titre à Rossi, parce que l'inconscient, lui, comprend que cette forte et silencieuse angoisse baisse d'intensité, s'affaiblit et même tombe si on abandonne la compétition.

Le départ de Biaggi en Superbike, autre catégorie parallèle, et l'arrêt de Giberneau éclairent la puissance de ce message. Deux champions mis à bout par une communication démolissante.


Sous-jacente à ce déséquilibre psychique, la volonté de dépassement de ces limitations induira de graves troubles. Rester en arrière des ténors entrainera une profonde baisse de l'estime personnelle. Mais parfois le fait de gagner est encore pire, car, dans notre cas, chaque victoire réelle ou symbolique, sera destructrice. En effet, en sport, l'inconscient et sa motivation profonde n'étant quasiment jamais pris en compte, le fait de se dépasser peut amener un déséquilibre majeur. Certaines limites ont leurs utilités et l'inconscient parfois nous protège. Ce qu'un manager, un coach ou l'entourage trouvera pour aider le sportif, peut s'avérer du plus dangereux effet par la suite. Telle cette fixation à ce coach en vue de la réussite, avec ce cycle de méforme et de contre-performance, doublé d'une détresse profonde...

Afin d'imaginer un conflit inconscient, voyez-le comme deux énergies qui s'opposent et se dépensent plus dans ce combat que pour la performance elle même. Une motivation renouvelée peut faire un passage qui, sans résoudre le conflit, déviera l'énergie bloquante et libèrera seulement l'énergie d'ascension. En retour, le conflit intérieur sera augmenté, ce qui est une fréquente source de futures contre-performances. La libération orientera les énergies vers l'équilibre. C'est dans cet esprit que je propose ma collaboration, quel que soit le sport. Cette coopération, provisoire, vient compléter le travail de l'entraîneur.


Les schémas du désir mimétique et de la double-contrainte sont à leur paroxysme dans le sport : plus le modèle domine son concurrent et donc l'abaisse, plus il se sent fort, mais plus il se limitera dans sa réussite. Sa puissance, sa force sont tributaires d'une nécessité : faire abdiquer son adversaire-victime. Le désir de la victime étant investi de celui du modèle, elle se fait victime- consentante, parce que ce n'est pas son désir individuel qui compte, mais c'est le désir du modèle. Le simple fait de ne pas adhérer au désir du modèle provoque l'angoisse chez sa victime. En cela, le modèle et son imitateur se limitent tous deux inconsciemment.

Deux années sans titre pour Rossi étaient peut-être le moteur nécessaire pour doper son parcours et préciser son message.

La double-contrainte qu'il installe, au dépend de tous ses adversaires augure d'un futur difficile pour ces derniers. Souvenez-vous du message de Rossi à Stoner : Je prends tes pneus, ton lien (acteur de l'angoisse de castration) à ta terre d'origine (les insignes aborigènes), symboliquement ta mère, parce que c'est grâce à ce lien que tu as gagné et que tu es devenu un champion, un homme. Ce qui pourrait se traduire par : tu es devenu un homme en utilisant le lien avec ta mère. Car, en rivalisant avec Rossi qui porte la terre originaire de Stoner, ce dernier simule inconsciemment la conquête de sa terre d'origine, symbole de sa mère. Cette mère, justement interdite par son père et qui devient alors pour lui source d'angoisse et de douleur.


L'impact de cette communication sur Casey Stoner.


Il faut savoir que les symboles aborigènes font parties intégrantes de la culture australienne. Ils figurent le dreaming-time ou temps du rêve qui colore l'imaginaire collectif. Casey Stoner est fils de la terre. Colin, son père, possède une ferme d'élevage au nord de Sydney. Quand son père dit : « Casey est un fermier dans son cœur » (5), c'est toute la symbolique de la terre et des origines qui se présente. L'Australie étant, actuellement (6), essentiellement patrilinéaire et Casey étant le seul garçon de la famille, cela charge ce dernier de toute la dialectique inhérente à la filiation. Jeune homme empreint de traditions, soucieux des coutumes familiales, il a demandé l'autorisation de fréquenter Adrianna au père de la jeune fille, puis il lui a fait, dans la plus pure tradition, la demande de sa main. C'est un genou à terre qu'il a demandé la demoiselle en mariage. Quand on lui demande s'il le fait à l'ancienne, il répond qu'il ne sait faire que çà (7). Toujours soucieux des coutumes locales, le mariage devait se faire sur sa terre d'origine, l'Australie...

La tradition aborigène pratiquant l'exogamie, le prétendant cherchait une compagne dans une autre tribu afin d'éviter tout lien ancestral de sang et d'esprit. Adrianna Stoner, elle, est née en Australie. Elle est d'origine slovaque et italienne. C'est un double patrimoine culturel et symbolique qui vit dans la psyché du jeune homme, avec ses rites et ses tabous. Un tel héritage, probablement finement étudié, fait que la communication de Rossi ne peut avoir qu'un impact très puissant et générer de lourdes conséquences.


Après les symboles de la terre-mère, nous abordons ceux du père-modèle. Au GP d'Italie, Rossi a des yeux culpabilisants peints sur son casque, et le message devient : Moi le Père, je te punis et je te culpabilise. Ce message pourrait être positif puisque c'est l'interdiction de l'inceste, mais à condition qu'il soit répété et à condition que Stoner, ne nous montre pas lui-même l'inverse quand il lutte avec Rossi. Car Stoner est aussi un des modèles qui inspirent les pilotes et les spectateurs, à cause de son titre de champion du monde décroché en 2007. C'est donc aussi l'Homme à battre. Stoner est le premier modèle rival, le champion qui va être imité, et il sera aussi l'obstacle qui, dans l'inconscient, génère colère et haine.

Mais Rossi, l'autre face du modèle, en livrant cette commission faite à Stoner, s'en fait le guide qui montre la voie à suivre : attribuez-vous les terres des autres. Il revendique son message d'invitation à l'inceste et en fait un jeu, un sport, un moyen de se réaliser...


Victor Frankl, à l'instar d'Adler et Jung, s'est démarqué d'un inconscient assujetti uniquement aux pulsions et cela en théorisant l'homme dans une trinité physique-psychique-spirituelle. Il voit une part de cet inconscient en recherche d'un sens à la vie : « Même s'il est apparu que l'inconscient, comme « spirituel également » recèle de la religiosité inconsciente, il n'aurait au grand jamais le droit de s'auréoler du divin » (8).


Pourquoi ce message agit-il sur les pilotes ?


Le désir mimétique nous stimule en vue d'égaler certains modèles comme Stoner et Rossi. Ce sont les désirs du modèle envié qu'imitent les autres pilotes. Imitant Stoner, ils vont être ainsi renvoyés à cette époque de leur adolescence où imitant le père, ils désiraient la mère, d'où l'interdit du père. Pour faire baisser l'angoisse provenant de ce conflit, ils doivent alors se trouver des raisons de céder, d'abdiquer, en fait de retourner dans l'enfance, juste avant le désir d'individuation. Imitant Rossi, ici en médiateur du désir mimétique, ils sont renvoyés eux aussi, à la communication envoyée à Stoner, car nul ne dépasse le père perçu comme divin.


Tous les pilotes n'interprètent pas nécessairement le symbolisme de la même façon.


Parlons symbolique motocycliste : la combinaison de cuir et sa fonction de protection, ce sont nos souvenirs à la mère... Le genou, fréquemment utilisé comme appui, est aussi mesure de distance ou parade à la glissade et à la chute, cela rappelle le message paternel à l'enfant. D'ailleurs la communication ciblée en cet endroit a une incidence sur l'inconscient. Rossi a placé le soleil et la lune juste en dessous du genou...

De plus, si nous faisons intervenir la théorie de Koestler sur le holon (9) : une entité psychique en interaction avec plusieurs inconscients, Stoner (ou Rossi) en tant que modèle en serait le chef d'orchestre. Ce qui lui est adressé, le message, serait la symphonie à jouer par tous, spectateurs y compris. Que tous ressentent le symbolisme du message n'importe plus, par mimésis, désir copié, le holon s'imprègne des mêmes sensations que le modèle.

L'énergie du holon est dans le sens de la compréhension qu'en a le modèle et réveille une « vibration », un état que tous nous avons connu, l'époque de l'adolescence et du « non » du père. C'est une mémoire qui est ranimée chez certains et qui réveille la mémoire des autres.


Un sportif de haut niveau, lors de sa phase de concentration, puis celle propre à la compétition, tente de rejoindre certains états de conscience modifiée, autres que la mémoire de veille, à la recherche d'état d'excellence propre à l'exploit. L'observation d'un(e) champion(ne) après une performance, son regard entre autres, est assez révélateur de ces états. Ceux-ci sont à rapprocher des états de transe observés auprès des grands mystiques, des moines et des lamas guérisseurs ou des chamans.

Dans son étude, P-Y Albrecht (10) écrit que la frontière entre la transe et l'extase oscille sans réelle démarcation. Leurs caractères se chevauchent, rappelant ces états extraordinaires atteints lors des compétitions. Le sportif dans sa pratique cherche l'extrême de lui-même, parfois le point de rupture entre la vie et la mort. Lors de la communion qui s'installe, dans les stades ou les circuits, entre public et acteurs, existent des états de conscience qui peuvent être propices à l'altération de la conscience de veille et à l'ouverture à une influence.

Ne serait-on pas proche de ces voyages décrits par l'ethnologie ? Le transport des foules envers leurs idoles ne s'associerait-il pas avec une connexion plus intime, plus subtile que simplement la joie associative ? Le pouvoir hypnotique de la pratique, comme du spectacle et de la compétition n'est-il pas propice à ces états de conscience modifiée ?


Ma propre expérience m'a fait rencontrer des interrogations sur certains phénomènes ''bizarres'', lors de ma carrière. Je cite un exemple : en fin de qualification d'un Grand Prix, lorsque j'étais à une seconde et demie du meilleur temps, il m'était impossible d'espérer pouvoir me mesurer avec d'autres en tête de course. Cependant, il m'est arrivé, et je ne suis pas le seul, en prenant un excellent départ, de réaliser un tel ''exploit''. Aujourd'hui, ceci n'est, pour moi, ni le fruit du hasard, ni un miracle... Être dépassé par un pilote qui représentait un ''modèle idéal'' pour mon inconscient m'ouvrait la porte à la possession par moi-même du désir de l'autre. En l'acceptant, il m'emmenait dans sa réussite : « Le holon est donc possédé par le dieu et il s'identifie à ce dieu. Si la possession est thérapeutique, c'est une crise mimétique qu'elle guérit; le remède est l'identification, c'est donc l'identité qui souffrait. » (11). «...si le possédé se meut, danse, parle, c’est parce qu’il incarne un dieu auquel il s’identifie complètement. » (12). Evidemment, même ''idéal'', il est impossible de doubler ce modèle, et heureusement... Je rapproche ces phénomènes du ''déclic'' que l'on reconnaît à un sportif lorsqu'il passe à un niveau supérieur.


L'ethnologie, la philosophie, la biologie, la physique quantique, évoquent des capacités humaines qui sont depuis longtemps sources d'interrogation en psychologie, à savoir l'intercommunication des inconscients. Dans le cas de la MotoGP, si nous avons une communication inconsciente dominante des deux principaux acteurs du championnat, le transfert d'informations peut être grandement optimisé et accéléré lorsque nous formons tous une conscience réunie vers un même désir.


L'exemple d'un Lewis Hamilton en F1 porte également témoignage des possibilités et des limitations de tout être humain. Ce jeune homme de « couleur » est aux prises avec l'histoire, c'est un holon des plus victimaire(s) qu'il affronte. Les loupés de fin 2007 ne sont sans doute pas étrangers à cette lutte : l'avant dernier GP, en survitesse dans l'allée des stands, il perd le contrôle de sa monoplace et s'échoue dans un bac à graviers dont il ne peut repartir. Dernier GP, il commet un hors-piste, puis perd de nombreuses secondes suite à un souci électronique qui le laisse temporairement au ralenti, plusieurs médias citeront, après la course, des propos d'Hamilton reconnaissant avoir involontairement causé cette avarie en effectuant une mauvaise manipulation sur son volant (13) .

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